Les crêpes bretonnes de blé noir, Théodore Botrel
Pour le 900ème message de mon blog, un bien joli poème découvert au coeur de la carte d'une crêperie de Belle-Ile.
Les crêpes bretonnes de blé noir
Le soir meurt, la nuit se ferme,
Dans le vieux char cahotant,
Rallions vite la ferme où le souper nous attend ;
Une odeur exquise y rôde,
Fortifiant notre espoir d’une bonne soupe chaude
Et de crêpes de blé noir,
C’est avec un soin extrême que Marivonne a jeté,
Dans le bon lait lourd de crème, le sarrasin bien bluté,
Un coup de « fourch-fin » 1 et vite, au vent de son tablier,
L’ajonc flambe et crépite illuminant le foyer.
Et maintenant qu’apparaisse sur mon « trébé » 2 sans retard,
Le « pillig-du » 3 que l’on graisse avec un morceau de lard,
Pour que l’accorte fermière, vive et précise à la fois,
Etende la « bas » 4 légère avec le « rozell » 5 de bois.
Un brin d’ajonc sec encore et dans le gai flamboiement
La crêpe gonfle et se dore et palpite doucement,
Mais la crepière l’enlève et – d’un coup – la tourne avec la Sklidrn » 6,
Pareille au glaive large et court d’un héros grec.
Hop ! au « tad-coz » 7 la première !
Puis, tout le monde en aura !
On donnera la dernière, Demain, au « klasker-bara » 8,
-Succulentes, Marivonne, vos crêpes – Régalez-vous,
Et tirez-nous à la tonne quelques bols de cidres doux !
Et, très nombreux de la sorte, bols et crêpes se suivront…
Et, bien qu’au seuil de la porte, lorsque nos gars sortirent,
Quelques-uns, voyant la lune rouler dans la paix du soir,
La prendront aussi pour une large crêpe de blé noir !
Théodore Botrel (1868 – 1925)
1 Petite fourche à feu qui sert à glisser l’ajonc sec sur le trépied
2 Trépied
3 Tuile noire (galettière)
4 Pâte
5 Rouleau
6 Palette
7 Grand-père
8 Chercheur de pain, mendiant